A l'Ouest, rien d'exceptionnel

Alors que le monde du cinéma attend la cérémonie des Oscars avec impatience, la ville de Los Angeles, elle, ne vit pas l’événement à la même mesure. La banalité et la confidentialité des Oscars dans la cité des anges sont troublantes.

La cérémonie a eu lieu au Dolby Theater - photo : Paul Guianvarc'h

Une. C’est le nombre d’affiches pour les Oscars dans les rues de Los Angeles. Cette unique publicité s’est faite sur la devanture d’un bâtiment adjacent au complexe où se tient le Dolby Theater. Les SAG Awards (Screen Actors Guild Awards), récompensant les acteurs et actrices, tenus le 19 janvier, ont plus de panneaux d’affichage à leur effigie que la plus célèbre des cérémonies de cinéma outre-Atlantique, la semaine même de sa tenue. Pour la ville-phare de l’entertainment aux Etats-Unis, cela fait peu. A vrai dire, rien en dehors des travaux sur une portion de 500 mètres à Hollywood Boulevard pour préparer la venue des invités ne suggère un événement majeur ayant lieu dans le coin.

Seuls les touristes s'agglutinent derrière les grilles pour tenter de prendre les stars en photo - photo : Paul Guianvarc'h

« - Qu’est-ce qui se passe ?

- Les Oscars.

- Ah déjà ? Je ne savais pas ».

Conversation récurrente aux abords des grilles disposées dans les rues pour empêcher le peuple de s’approcher des célébrités.

Les touristes se pressent d’essayer de prendre Brad Pitt en photo. Si ils arrivent à l’apercevoir, difficile à une centaine de mètres derrière la sécurité.

Les angelinos, eux, s’agacent de ne pas pouvoir emprunter la route. Là où la sécurité commence, les voitures s’arrêtent une à une pour demander à la police pourquoi elles ne peuvent pas passer. Seuls les commerçants du coin profitent de l’aubaine pour renflouer leurs stocks de statuettes et les vendre au minimum cinq dollars pièce aux touristes. Un énième commerce attrape-touristes aseptisé et oublié des citoyens.

Célébrations confidentielles

Ce peu de visibilité des Oscars à Los Angeles n’est pas dû à la seule mauvaise volonté des citoyens ou de la municipalité. Si la cérémonie a lieu en grande pompe, l’Académie elle-même offre peu de lumière à ce qui la précède. De très nombreuses soirées sont organisées en préparation de l’événement. Ces galas honorent le travail fourni par les nommés. Des soirées où tous sont invités. Jérémy Clapin, réalisateur de J’ai perdu mon corps, s’est ainsi retrouvé à la table de Quentin Tarantino, entre autres, lors du « dîner des nommés ». Soirées à thème également. Chaque catégorie a droit à un ou plusieurs galas. Aucune publicité. Une légère publication sur les réseaux sociaux après coup. Une personne non invitée à la cérémonie n’en connaîtra pas l’existence. A moins de tomber dessus par hasard.

Le Saban Media Center est affilié à la « Academy Foundation », en charge des Oscars - photo : Paul Guianvarc'h

En cette soirée du jeudi 6 février 2020, au sortir d’une belle séance des Misérables dans un cinéma du North Hollywood, sur le chemin menant au métro, la lumière émanant d’une rue tangente à celle de Lankershim Boulevard nous attire. Un écriteau « Television Academy » ouvre la porte au Saban Media Center. On aperçoit au loin la mention « Best Cinematography », la meilleure photographie. La baie vitrée permet depuis l’extérieur d’apercevoir près d’une centaine de robes et smokings même s’il est impossible à cette distance de discerner Roger Deakins (1917) ou Robert Richardson (Once upon a time… in Hollywood). L’idée de réduire l’espace entre nous et la porte d’entrée ne nous a pas effleuré que la sécurité vient s’assurer de notre départ imminent. On ne peut pas s’approcher trop près du soleil si on n’y est pas invité.

Des événements ouverts au public sont également organisés. Des colloques. Ils se font par catégorie. Ainsi, la veille des Oscars, se tenaient au Samuel Goldwyn Theater ceux du meilleur maquillage et du meilleur film d’animation. Suite à la diffusion d’un extrait du film pour lesquels ils sont présents, les nommés sont invités sur scène afin de présenter leur travail et répondre aux questions du lauréat de l’an dernier, maître de cérémonie. Moyennant trois dollars la place, réservée sur internet au préalable, le public assiste durant deux heures environ à cette célébration dans une salle loin d’être comble. La recherche spécifique sur le site officiel de l’Académie a été un combat harassant jusqu’à trouver la page spécialisée pour réserver. Là encore, il faut savoir ce que l’on cherche, tant tout autour des Oscars est confidentiel à Los Angeles.

« Oscar Week » célèbre tous les nommés aux Oscars, par catégorie, la semaine de la cérémonie. Ici, la catégorie du long-métrage d'animation - photo : Paul Guianvarc'h